Editorials

- Isabella Lenarduzzi

Filles-garçons, égaux dans l’enseignement ?

  • Depuis les années 60, les politiques publiques d’enseignement veillent à l’égalité et à la cohésion sociales, mais elles prennent rarement en compte (du moins dans les faits) le différentiel filles/garçons.
  • L’école est pourtant sur ce point moins égalitaire qu’il n’y paraît : toutes les études vont dans le même sens et montrent que les stéréotypes de genre ne sont pas suffisamment décodés et interprétés dans l’enceinte des écoles. Les mythes ont la vie dure !
  • Premier constat : les filles et les garçons ne sont pas répartis de la même façon entres les filières, les options et les formes d’enseignement.
  • Ce constat est aussi celui d’un paradoxe : si les filles réussissent mieux et connaissent moins le redoublement, elles s’orientent néanmoins vers des filières moins valorisées. Ces options sont considérées comme des options de relégation pour les garçons, alors qu’on estime qu’elles sont naturelles (elles vont de soi) pour les filles.
    • Dans l’enseignement professionnel : aux garçons l’industrie et la construction ; aux filles les services aux personnes.
    • Dans l’enseignement général, on pense à tort que la question du genre ne se pose pas. Pourtant là aussi, les différences sont très marquées : aux garçons les sciences et maths fortes ; aux filles la littérature, l’histoire et les sciences sociales. Un choix qui détermine plus qu’on ne croit la carrière et la vie professionnelle.
  • Ce choix de l’orientation est plus crucial qu’on ne se l’imagine.
    • Tout d’abord, c’est une décision qui intervient à une âge particulièrement sensible où le jeune est en pleine définition de soi sur le plan sexué et sexuel. Pour les filles comme pour les garçons, il est difficile de se projeter dans un environnement (un milieu scolaire ou social) constitué majoritairement de jeunes de l’autre sexe.
    • Et force est de constater que les professionnels (les CPMS) restent mitigés et généralement insensibles à cette dimension – ce qui ne fait qu’accroître ce gender gap des matières.
  • On peut dire que, dans son ensemble, l’école n’est pas consciente qu’elle participe à la reproduction (et parfois même à la création) des stéréotypes sexués.
  • Les professeurs eux-même adoptent, sans s’en rendre compte, une attitude différente en fonction du sexe de l’élève :
    • On interroge les filles pour rappeler la leçon précédente ; mais quand on attend une production de savoir, on se tourne plus volontiers vers les garçons.
    • Au cours de physique par exemple, les filles sont presque systématiquement traîtées avec plus d’indulgence quand leurs copies sont mauvaises ; et à l’inverse, moins récompensées quand elles sont bonnes. Preuve s’il en faut, que l’attente pour les matières scientifiques est plus importante du côté des garçons.
  • Ce constat est d’autant plus interpellant que les études (notamment les derniers chiffres de PISA) montrent que filles et garçons à 15 ans sont non seulement aussi doués en sciences mais aussi qu’ils sont tout autant attirés par des études supérieures à caractère scientifique.
  • Qu’est-ce qui explique alors une telle disparité dans les faits ?
    • La question de la confiance en soi peut expliquer ce phénomène : une perception positive de soi engendre de meilleurs résultats – or les filles ont la fâcheuse tendance de se dévaloriser par rapport aux garçons, surtout en sciences. Et ce, même si leurs résultats leur prouvent le contraire. Elles attribuent leurs échecs a un manque intrinsèque de capacités, tandis que les garçons n’y voient qu’un simple manque de travail et ne se remettent donc pas en cause pour autant.
    • S’il est relativement évident pour un jeune d’intégrer le principe de l’égalité des sexes de manière formelle, force est de constater qu’ils éprouvent encore beaucoup de difficultés à se détacher des stéréotypes. Cette situation produit un climat particulièrement hostile contre tous ceux et toutes celles qui font un choix atypique, et qui s’éloignent de l’hétéronormativité. Une fille qui fait un choix dit masculin ou un garçon qui fait un choix dit féminin s’expose ainsi à l’agressivité des autres : comportement sexiste, homophobie, harcèlement verbal, psychologique voir physique.
    • On constate pourtant que ceux et celles qui prennent cette tangeante et réussissent à prendre de la distance avec les stéréotypes de genre sont aussi ceux et celles qui réussissent le mieux dans les matières où leur genre est généralement plus faible. Une vision décomplexée du genre pourrait-elle contrer l’échec scolaire ? La question est posée.
  • Mais la vie scolaire dans son ensemble est structurée de façon contraignante et cantonnent filles et garçons dans un rôle social prédéfini :
    • On cite en exemple les filles pour leur côté calme et studieux, et elles s’en sentent valorisées. Alors que pour les garçons, il vaut mieux être le « petit frimeur » que le « chouchou du prof ».
    • Cela a pour conséquence une différence évident de traîtement : on pardonne plus volontiers aux garçons la vulgarité et une attitude chahuteuse car on estime que c’est quelque chose de plus naturel ; alors que chez les filles, c’est un comportement que l’on juge déviant et anormal.
    • Les garçons prennent donc plus d’espace et ont plus de liberté par rapport aux règles. Dans les années 70, on parlait de la règle des deux tiers : les enseignants consacrent aux garçons les deux tiers de leur temps et ceux-ci émettent les deux tiers des propos tenus et des sons émis dans la cour de récréation. La différence du temps d’attention est un peu moindre de nos jours mais elle reste marquée.
    • Dans la cour de récréation par exemple, encore aujourd’hui les garçons occupent plus des 2/3 de l’espace disponible (entre autre par leurs jeux de ballons) et produise beaucoup plus de bruit. Les filles se « contentent » de l’espace restant.
  • On le voit, la mixité est loin de garantir l’égalité – et il n’est pas neutre d’être fille ou garçon, comme il n’est pas neutre d’être issu de tel ou tel milieu socio-culturel.
  • Quelles sont donc les solutions pour rétablir un véritable équilibre ? Il n’y a évidemment pas de remède mircale.
  • Il est toutefois envisageable de réduire ces inégalités sexuées en classe en :
    • Veillant à une bonne répartition des tâches et du temps de patrole entre les élèves ;
    • Portant attention à la façon dont sont véhiculés les stéréotypes dans l’environnement documentaire des élèves ;
    • Supervisant les interactions en classe entre les filles et les garçons ;
    • Adaptant les conseils d’orientation autour de la question du genre ;

Et pourquoi pas, en mettant en place une cellule de veille des inégalités sexuées dans l’école?

Quelques constats sur les Femmes dans les Sciences et la Technologie

Le secteur des Sciences et des Technologies est un secteur primordial dans notre économie de la connaissance, engrangeant un revenu de plus de 963.5 milliards d’euros en Europe. C’est pourquoi, il est essentiel que celui-ci continue de grandir et de s’enrichir avec de nouveaux talents.

Les femmes, qui représentent 60% des diplômées universitaires, sont un réservoir de talents pour la science, la technologie et l’innovation. Pourtant, en Belgique, seulement 33% d’entre elles choisissent ces filières dans l’enseignement supérieur, contre 67% de représentants masculins.

Nous pouvons analyser ci-dessous le tableau reprenant la part des étudiants masculins et féminins en sciences, mathématiques et informatiques dans chaque pays membre de l’Union Européenne :

Avec un taux d’activité des femmes qui ne cesse de grandir et un taux d’activité des hommes qui stagne, si les femmes choisissent davantage ces filières de formation et ces secteurs d’activités professionnels, la croissance économique qui en découlerait serait fondamentale pour la stabilité de notre niveau de vie.

Pourquoi s’intéresse-t-on à une question qui persiste depuis des années ?
– Parce que, d’une part des inquiétudes se font jour sur le remplacement des scientifiques lors de leur départ massif à la retraite.
– Depuis quelques années, se manifeste une certaine désaffection des jeunes pour les études scientifiques. Ainsi, alors qu’en 1995, en Europe, 40 % des bacheliers issus de terminale scientifique se dirigeaient vers les études supérieures scientifiques universitaires, en 2004 cette filière n’est plus choisie que par 26 % d’entre eux.

  • Pour renforcer sa compétitivité, l’Europe s’est fixé comme objectif d’augmenter son potentiel scientifique et technique d’au moins 700 000 personnes d’ici 2015.
  • Le vivier des femmes est aujourd’hui insuffisamment exploité dans les pays occidentaux alors qu’elles représentent plus de 60% des universitaires ! Mais elles vont davantage vers les sciences humaines ou vers les filières scientifiques qui sont directement au service de l’humain ou de la nature comme la médecine ou la biologie.

D’autres données peuvent être mises en avant afin que l’on puisse se rendre compte de la faible participation des femmes dans les Sciences et la Technologie. En effet, en ce qui concerne les inscriptions dans les Universités Francophones, seulement 7 femmes, contre 168 hommes, choisissent la formation d’ingénieur civil en informatique en première année (moins de 5%). En sciences informatiques, à peine 68 femmes s’inscrivent contre 1055 hommes (6%) . Au niveau des Universités Flamandes, le constat est relativement identique. Sur 1040 étudiants en sciences informatiques, seulement 77 sont des femmes (7%).

Les chiffres des Hautes Ecoles sont également alarmants. Que ce soit dans le cycle de type long ou de type court, plus de 90% des élèves en technique sont des hommes.

De plus, 35% des femmes en informatique ne souhaitent pas faire carrière dans ce domaine, ce qui fait chuter radicalement le nombre de femmes disponibles pour les sociétés dans le domaine technologique.

Au niveau des carrières, que ce soit dans l’enseignement ou dans la recherche, la proportion de femmes augmente mais reste toujours extrêmement faible. Comme dans les autres domaines de la société, plus on s’élève dans la hiérarchie plus les femmes deviennent rares.

En 2005, les chercheuses en Belgique sont plus nombreuses dans la recherche publique avec 47 600 que dans la recherche privée avec 22 839 chercheuses (moins de 50%). Aujourd’hui parmi les chercheurs qui travaillent dans les universités ou les grands organismes de recherche de l’Union Européenne, 33 % sont des femmes. Celles-ci représentent alors 17% des chercheurs en mathématiques, 18% en physique, 19% en sciences de l’ingénieur et 31% en chimie.

La situation des femmes dans la recherche, publique comme privée, évolue positivement et il est important que le monde éducatif continue de relayer ce message. En effet, en quelques années, le nombre de chercheuses dans la recherche privée et dans la recherche publique ont doublé. La présence des femmes évolue proportionnellement plus rapidement que celle des hommes, mais encore trop lentement pour assurer la diversité dans les équipes et répondre au souhait des entreprises, qui cherchent à recruter davantage de femmes de formation scientifique ou technique.

En organisant ce séminaire, dans le cadre de la journée internationale des Femmes du 8 mars dédiée aux Femmes en S&T en 2011 et en profitant de la désignation de JUMP comme « National Point of Contact for Women in Technology », nous voulons mettre en place une plate-forme rassemblant tous les acteurs et créer ensemble une feuille de route permettant des actions coordonnées.

L’Europe a désespérément besoin de plus de scientifiques pour atteindre son objectif de devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive au monde (objectif de Lisbonne 2010). Comment continuer à se passer de la moitié des talents ?