Editorials

- Isabella Lenarduzzi

Le sexisme existe-t-il encore ? Si oui, comment y répondre au quotidien?

Le sexisme est « une idéologie qui érige la différence sexuelle en différence fondamentale entraînant un jugement sur l’intelligence, les comportements et les aptitudes. »

Il y a quelques semaines j’ai participé à un article du magazine Flair sur le sexisme. La journaliste était étonnée de constater que 97% des lectrices considèrent que c’est un sujet encore très actuel mais 45% pensent que le machisme peut être « sympathique ». Et pourtant à la lecture des phrases les plus répandues (pas les plus cruelles), on se demande quel lavage de cerveau nous avons dû subir pour trouver cela « sympathique » :

  • « Tu es énervée parce que tu as tes règles ? » ou « C’est une mal baisée » ou encore « Elle est hystérique »
  • « Une femme (ou « une blonde » au choix) ne peut pas comprendre ! » ou  « C’est un métier trop difficile pour une femme »
  • « Pour avoir ce poste, elle a dû coucher »
  • « Elle travaille comme un homme »
  • « Elle n’a pas besoin d’avoir une augmentation car son conjoint gagne bien sa vie »

En Grande-Bretagne une étude a été conduite par Girlguiding auprès des jeunes femmes entre 14 et 25 ans. A cet âge, elles savent déjà que les femmes sont jugées davantage sur leur apparence que sur leurs compétences (à 87%). Les ¾ affirment que le sexisme les affecte aussi bien à l’école, dans la rue, dans leurs lectures et sur les réseaux sociaux. 7 filles sur 10 disent avoir vécu du harcèlement sexuel à l’école sous la forme de blagues à connotation sexuelle (51%), d’images de femmes les mettant mal à l’aise (39%), de graffitis insultants pour les femmes (33%), d’attention sexuelle non désirée (28%) ou pire … d’attouchements sexuels (28%).

La pression sociale sur l’apparence physique des femmes n’a jamais été aussi forte. Près de la moitié des ados ne sont pas satisfaites de leurs corps. Mais les filles disent aussi qu’elles ne trouvent pas assez de soutien pour face au sexisme (de la société, de l’école, de leurs parents, de leurs amies). Elles sont d’ailleurs 53% à penser qu’on leur impose trop de responsabilité pour se préserver de la violence sexuelle !

Les dégâts du sexisme au bureau.

En France, une étude sur le sexisme dans 9 grandes entreprises (c’est encore plus criant dans la majorité des PMEs en fonction de la mentalité du patron), révèle un phénomène généralisé: le sexisme ordinaire et ses effets négatifs sur le rapport au travail des femmes. Ainsi :

  • Quatre femmes sur cinq considèrent que, dans le monde du travail, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou comportements sexistes (contre 56% d’hommes) ;
  • 90% des femmes salariées considèrent qu’il est plus facile de faire carrière pour un homme et 54% estiment avoir rencontré un frein professionnel en raison de leur sexe.
  • La moitié des femmes ont déjà entendu un « ma poule, ma cocotte, miss… » dans leur travail ;
  • Lorsqu’elles expriment des prétentions salariales une femme sur trois les voit remises en question, contre moins d’un homme sur vingt.
  • 93% des femmes pensent que le sexisme peut modifier le comportement des salariées
  • 92% disent que cela a un impact sur la confiance en soi des femmes
  • 92% disent que cela déstabilise le travail des femmes qui en sont victimes

Il n’y a que 13% des femmes interrogées qui pensent que cela fait partie du jeu des relations entre les femmes et les hommes et pensent que ce n’est pas grave.

Regardons l’impact du sexisme auprès de celles qui en font les frais.

  • 53% disent avoir été très affectées
  • 38% ont eu un sentiment d’injustice
  • 32% ont éprouvé de la colère
  • 19% se sont senties humiliées ou exclues

Tout comme dans l’étude GirlGuiding, les femmes se sentent bien seules face à ces attaques. Elles ne sont que 6% qui vont en parler et demander d’être soutenue.

Comment répondre aux attaques sexistes ?

Près de la moitié des femmes ne laissent pas passer et répondent directement. Mais seulement 40% de femmes et moins d’un quart des hommes prennent la défense de la personne visée !

Répondre immédiatement demande une sacrée confiance en soi et un bon sens de la répartie. Ne pas répondre est pire … cela envoie le signal que l’on est faible, que l’on est d’accord ou indifférente. La meilleure stratégie est de répondre calmement, posément, mais fermement en regardant l’autre dans les yeux pour lui faire prendre conscience de l’impact de ses mots ou de son geste.

Vous pouvez lui demander de répéter (« pardon ? » ou « pouvez-vous répéter svp ? » ou « qu’entendez-vous par … ? »)… et ensuite le/la mettre face à ses responsabilités :

  • Sais-tu que cette remarque est sexiste ? C’est bien cela que tu veux ?
  • Waw, je ne savais pas que c’était ton image des femmes.
  • Je suis certaine que tu ne réalises pas que tu diminues les femmes en leur parlant comme ça.
  • Si j’étais toi, je ne parlerais plus des femmes comme cela. Ça fait ringard.
  • La prochaine fois appelle moi par mon nom.
  • Quand tu as une remarque sexiste à dire, préviens-moi pour que je quitte la pièce. Je ne veux pas être ta complice.

Et si cela continue :

  •  Tiens, une remarque sexiste … tu as besoin de d’affirmer face au sexe faible ?

Bon je vous épargne les plus méchantes car je viens d’écrire qu’il ne fallait pas être agressive ?

Pour ne pas être prise au dépourvu, répéter le type de réponse à apporter pour être préparées à répondre du tac au tac. Voyez ici quelques articles qui vous donnent des clés : Dix nouvelles formes du sexisme ordinaire au travail, Oink Oink : When You Work with Sexist Pigs, Actually… How to respond when you see some sexism happening.

Entourez-vous de gens qui ne laisseront pas faire. Parler de votre expérience et demandez du soutien.
Mais surtout, décidez que vous ne MERITEZ PAS ce genre de remarques ou d’attitudes. Valorisez-vous et défendez les autres qui pourraient se retrouver dans la même situation.

Les femmes sexistes

Les vacheries entre femmes font mal mais cela ne remet pas en cause notre identité au travail et notre besoin de reconnaissance. Ce n’est pas du même ordre.

Si les hommes ne sont pas exclus des attaques sexistes, elles s’exercent de façons différentes et en général entre eux. Elles ne remettent pas en cause leur légitimité au travail. Quand les femmes attaquent les hommes ce sont davantage des exemples d’incompétences dans la sphère privée et non professionnelle (« c’est normal que tu n’y arrives pas, les hommes ne savent pas faire plusieurs choses en même temps »).

Que peuvent faire les entreprises ?

Il est fondamental que les entreprises aient l’honnêteté de reconnaître qu’elles sont aussi un lieu où s’exprime le sexisme. Si ce phénomène existe dans la société, il existe aussi en entreprise ! Penser que « tout va bien dans le meilleur du monde » c’est renforcer les inégalités et les discriminations. Seules 35% des femmes cadres en France disent que leur entreprise a abordé le sujet du sexisme. Les actions à mener qui sont jugées prioritaires sont les suivantes :

  • avoir un message fort de la direction condamnant les remarques sexistes
  • éduquer les managers aux stéréotypes et aux manifestations du sexisme
  • éduquer les salariés sur le sujet
  • élaborer un code de mixité pour préconiser les conduites acceptables et celles qui ne le sont pas
  • Les détracteurs diront que c’est le règne du « politiquement correct ». Mais il est malheureusement indispensable de passer par là pour que les hommes et les femmes intègrent l’égalité. C’est ce qui se joue aussi pour contrer le racisme et c’est tant mieux !

Si chaque femme avait conscience de ce qui se joue pour elle et pour celles qui sont visées par des paroles ou des actes sexistes, plus aucune d’entre nous ne laisserait faire.  Commençons donc à changer par notre propre comportement même si nous sommes TOUS responsables, hommes comme femmes, entreprises, médias, écoles, pour que chacun puisse déployer ses talents et vivre ses choix indépendamment des attentes dont on est l’objet parce que l’on est né fille ou garçon.