Catalyst a récemment publié une étude sur les « hot jobs » (les postes clés) qui analyse le phénomène de manque de visibilité des fonctions occupées par les femmes.
Tous n’ont pas des chances égales d’accéder à des postes de direction. Les femmes n’obtiennent pas leur part des emplois de cadres susceptibles de leur assurer une forte visibilité, des rôles essentiels à la mission, et des expériences à l’international – ces « postes clés » qui propulsent les carrières au sein d’entreprises mondiales. Selon la nouvelle étude de Catalyst, Good Intentions, Imperfect Execution? Women Get Fewer of the Hot Jobs Needed to Advance, cet accès inégal aux postes clés pourrait être la cause de l’écart qui persiste entre les genres, au niveau des postes de direction les plus élevés.
La recherche de Catalyst révèle que l’expérience acquise en cours de carrière favorise un avancement plus rapide que la formation – et même parmi ceux qui ont complété des programmes de formation, les hommes sont plus susceptibles que les femmes d’accéder à ces emplois prometteurs. 62% des répondants ont indiqué que les missions à forte visibilité, qui leur ont permis d’acquérir une expérience de direction, ont eu le plus grand impact sur leurs carrières, alors que seulement 10% ont désigné les programmes de formation comme élément déterminant. L’expérience serait en effet le moyen le plus efficace d’accéder aux postes clés, et plus encore s’il s’agit d’expérience internationale (voir l’étude complète de catalyst). Or les femmes ont moins d’expériences internationales que les hommes. Le problème n’est pas seulement de se voir confier la direction d’un projet mais bien de se voir confier la direction du bon projet. Il est encore trop ancré dans les mœurs de penser qu’une femme aura moins de facilité à accepter un poste à l’étranger, ou avec des déplacements réguliers (la vision de la femme active reste associée à celle de mère qui doit rentrer tous les soirs pour les enfants).
Catalyst a constaté que les femmes sont moins susceptibles que les hommes de se voir confier des missions internationales mais que ce n’est pas parce qu’elles s’opposent à déménager à l’étranger. Parmi les gens qui sont le plus ouverts aux déplacements à l’étranger, les hommes sont plus nombreux à obtenir ces missions (35 % contre 26 %), tandis qu’un nombre plus important de femmes ne se sont jamais vues offrir une telle opportunité (64 % contre 55 %). Pourtant ces missions internationales accroissent la probabilité d’avancement professionnel.
Les femmes occupent de plus en plus les fonctions visibles, comme en politique ou en tant que chef de leur propre entreprise, malgré tout elles se fondent le plus souvent dans la masse, et occupent des emplois où elle ne seront pas mises en avant et travaillent dans l’ombre de dirigeants le plus souvent masculins. Ce phénomène pourrait néanmoins évoluer si les femmes avaient plus d’opportunités d’accès aux fonctions aujourd’hui encore trop masculines. N’oubliez pas, comme le dit l’article: Are women their own worst enemy when it comes to the top jobs? où nous avons pu constater la sous-représentation des femmes dans les top jobs britanniques :
“There is nothing to stop you being whoever or whatever you want to be. The only thing stopping you is you.”
(“Il n’y a rien pour vous empêcher d’être celle ou ce que vous voulez être. La seule chose qui vous en empêche, c’est vous. “)
Les réseaux sociaux au service des femmes
Si l’on en croit une infographie récemment publiée par Mashable, 56 % des utilisateurs de réseaux sociaux seraient en fait des utilisatrices. En réalité, les deux plus grands sites de médias sociaux que sont Twitter et Facebook sont aujourd’hui dominés par la présence des femmes. D’après Girls Who Code, les femmes passent en moyenne plus de temps (17%) que les hommes sur Internet et produisent près des deux tiers des contenus diffusés sur les réseaux sociaux. Peut-on pour autant parler d’un renversement de vapeur ? Cet avantage en nombre suffit-il à réduire ce que d’aucuns appellent le “social media gender split” ?
La question du genre au sein les médias sociaux ne date pas d’hier. De nombreuses études ont montré que l’utilisation des réseaux sociaux par les femmes avait dépassé en volume celle des hommes depuis trois ans au moins. L’étude de ComScore parue en 2010 estimait déjà à 30% par mois le temps supplémentaire consacré par les femmes à ces réseaux. En 2009, les données du rapport Nielsen faisaient état d’un usage plus systématique des smartphones et des appareils mobiles sur ces plateformes collaboratives.
Aujourd’hui, tous les chiffres de fréquentation vont dans le même sens mais, avec la multiplication des sites de médias sociaux, on constate néanmoins une répartition selon le genre. Si les femmes sont davantage présentes sur Facebook (57%) ou Twitter (64%), les hommes sont au contraire plus nombreux sur Linkedin (63%), Reddit (84%) et Google Plus (71%). Le cas récent de Pinterest, une des plus grandes “success stories” de la dernière décennie, est édifiant sur ce point : si le site a réussi à mobiliser en un temps record des millions de visiteurs mensuels, il n’en a pas moins essuyé des critiques souvent méprisantes dues à sa grande proportion d’utilisatrices (82%). Pour certains observateurs, Pinterest est emblématique de cette fracture entre les genres qui cristallise les réflexes sexistes. Interrogée par Forbes, la journaliste Mary Elizabeth Williams parle d’une intensification de cette répartition des rôles symptomatique de la manière dont les médias sociaux fonctionnent et parfois reproduisent eux-même ces stéréotypes : “I remember years ago people saying, ‘Online communication is going to be gender neutral. This is great!’ But the same patterns show up everywhere.”
Les données statistiques qui concernent les habitudes et les usages reflètent également une répartition selon le genre. D’après l’étude menée par Helen Nowicka, UK head of digital/EMEA social media strategist chez Porter Novelli, et intitulée “Men are from Foursquare, Women are from Facebook“, les deux genres s’impliquent autant dans les médias sociaux mais de façon différente. Cette enquête réalisée auprès de quelque 10,000 utilisateurs vivant en Angleterre, en Allemagne, en France, en Belgique et aux Pays-Bas montre en effet que les femmes cherchent davantage à renforcer des liens sociaux préexistants et à interagir avec leurs amis et leur famille, alors que les hommes sont plus enclins à exprimer leurs opinions et étendre leur réseau. Les femmes privilégient ainsi plus volontiers le partage d’information et l’adhésion à des communautés tandis que la communication des hommes est plus linéaire et compétitive. On estime par exemple à seulement 15% le contenu généré par des femmes dans Wikipedia. Les hommes sont également beaucoup plus actifs dans la blogosphère : ils sont 32% à avoir leur propre blog en Europe contre 24% de femmes.
Cette même conclusion s’impose à la lecture du rapport publié par Linkedin en 2011. Pour Nicole Williams, connection director chez LinkedIn, la timidité des femmes sur LinkedIn est en lien direct avec leur peur plus générale du networking professionnel. Pourtant, les secteurs où leur engagement est plus fort que celui des hommes sont des secteurs où elles sont sous-représentées: tabac, “ranching”, commerce international. À l’inverse, elles sont moins influentes que leurs collègues masculins dans des environnements où elles sont plus nombreuses : soins de santé, cosmétiques. Preuve s’il en faut qu’un genre sous-représenté dans un secteur doit déployer plus d’énergie pour se faire un nom et assurer son développement professionnel.
Le degré d’influence est un sujet épineux et une donnée difficile à mesurer. En matière de médias sociaux, il faut distinguer influence et popularité : la quantité d’amis ou la fréquence de connexion et de participation à des communautés ne définissent pas forcément l’influence, mais bien notre capacité à produire un effet de levier et à s’imposer comme un expert ou un leader d’opinion sur un thème spécifique ou un secteur d’activités donné. Ainsi par exemple, alors que les femmes représentent une plus grande proportion de la population totale sur Twitter et qu’elles y sont aussi plus actives, les hommes conservent une légère avance en termes d’influence : les femmes ne sont qu’un cinquième dans le top 100 des personnes les plus influentes sur Twitter établi par The Independent’s ; et elles ne représentent que 15% contre 85% d’hommes dans le classement Klout.
En 2011, dans une allocution restée célèbre (TED Talk), Johanna Bakley, Deputy Directrice adjointe du Norman Lear Center, prédisait la fin de la problématique du genre au sein des médias sociaux qui auraient la capacité de transcender les réalités démographiques pour favoriser une forme plus universelle (par centres d’intérêt et valeurs) d’agrégation des personnes. Aujourd’hui, le constat se fait en demi-teinte : les femmes et les hommes se répartissent différemment entre les différents sites de médias sociaux, ont des habitudes d’utilisation segmentées et ne bénéficient pas à part égale des facteurs et indices d’influence. Tout se passe comme si rien ne se passait : le nombre grandissant de femmes impliquées et actives sur les sites de médias sociaux ne change pas vraiment la donne. Ne serait-il pas temps de faire mentir la réalité plutôt que les chiffres ?