Editorials

- Isabella Lenarduzzi

La rentrée : d’une « affaire de femmes » à l’implication des pères

Vous le connaissez, vous,  ce stress qui s’empare des parents actifs professionnellement, aux alentours de 16h, lorsqu’ils savent que leurs enfants rentrent de l’école et doivent faire leurs devoirs ? La rentrée sonne le retour du conflit entre la vie scolaire et le rythme professionnel …

Cette course entre les sphères privées et professionnelles est stressante pour tous les parents mais en particulier pour les mamans …  c’est en tout cas ce que j’observe autour de moi et que JUMP a pu vérifier dans une enquête réalisée en 2009 avec Educadomo. Cette idée de sondage est née d’une recherche de Catalyst qui démontre que le niveau de stress des parents au travail (surtout des mamans mais aussi des papas) arrive à un pic dès l’heure normale de la fin de l’école, c’est-à-dire quand  nos enfants entrent en garderie ou sont livrés à eux-mêmes ou à une nounou en attendant notre retour.

La majorité des parents s’investissent dans le suivi scolaire de leurs enfants mais, l’enquête Educadomo & JUMP le confirme,  ce sont encore essentiellement  les mères  qui prennent avant tout cette responsabilité et qui s’adaptent pour « tout concilier et résoudre ». La  moitié des  répondants  ne sont pas satisfaits de l’équilibre entre leur vie professionnelle et l’accompagnement scolaire de leurs enfants. Les femmes (48%) se sentent davantage débordées que les hommes (32%). Toutes les femmes de notre enquête travaillent. Et pourtant elles sont 60% qui estiment que toute la charge de la gestion scolaire des enfants repose sur leurs épaules ! Elles sont dès lors plus nombreuses à estimer pénaliser leur travail afin de pouvoir aider leurs enfants avec leur travail scolaire à la maison ou leurs activités périscolaires  (34% contre 27% des hommes).
 « J’ai pris un 4/5 de temps et je sais que cela aura des conséquences sur ma carrière et sur ma pension, mais je n’ai pas le choix » ;
« Je suis devenue indépendante parce que c’était la seule manière de pouvoir m’occuper de mes enfants après l’école. »

JUMP répète souvent que de nombreuses inégalités professionnelles entre hommes et femmes ont leurs sources dans l’inégale répartition des temps sociaux. Ce sont les mères de famille travaillant à temps plein qui prestent la « double journée ». Différentes études ont montré que le temps libéré n’a pas changé la répartition des tâches : le temps hors travail est devenu  du « temps libre » pour les hommes, mais « plus de temps pour les tâches ménagères et familiales » chez les femmes. Il y a cependant des signes montrant que le travail domestique est davantage partagé dans les ménages où les deux partenaires gagnent des salaires similaires et ont des carrières de niveau d’importance comparables.

Pendant la période des examens – moment crucial pour les parents – près de 7 parents sur 10  affirment consacrer leurs soirées à aider leur(s) enfant(s) dans leur étude. Une grande majorité (surtout les femmes) modifie d’ailleurs son emploi du temps en fonction des examens de son/ses enfant(s), voir prennent congé.

Les femmes sont 61% à considérer que leur travail empiète sur le suivi scolaire des enfants quand elles travaillent à temps plein mais 65% à être satisfaites de l’équilibre entre ces deux aspects quand elles travaillent à temps partiel. Ceci explique certainement pourquoi une femme sur deux déclare qu’elle voudrait travailler à temps partiel si elle le pouvait, alors que ce n’est le cas que pour 2 hommes sur 10.

L’impossible équation

C’est bien cela qui m’a le plus surpris et même déprimé dans les résultats de l’enquête : les femmes se sentent tiraillées entre leur devoir de mère et celui de professionnelle. Elles considèrent davantage que leurs maris, que les enfants ne sont pas suffisamment autonomes dans leurs devoirs et vivent l’échec scolaire de leurs enfants comme une preuve de plus qu’elles ne sont pas assez présentes à la maison. Pourtant, statistiquement ce sont-elles qui sacrifient davantage leur temps de travail ! Par contre les hommes considèrent que les enfants doivent être responsables de leur scolarité et ne font de sacrifice en temps que si ça ne porte pas préjudice à leur carrière. Pour gagner en sérénité il faut donc d’abord négocier entre parents et travailler sur sa culpabilité !

Je crois que si l’on prenait comme mesure de l’égalité professionnelle, non seulement l’écart salarial mais aussi l’écart de « bien-être » entre hommes et femmes travaillant à temps plein, les résultats seraient alarmants !

Solutions

Il y a des solutions individuelles qui sont citées par Anne-Marie Slaughter dans son article qui a fait le buzz cet été « Why Women still can’t have it all », comme choisir un bon partenaire de vie qui va partager le poids de la famille, gérer sa carrière avec des différences de rythmes et de responsabilité en fonction des périodes de vie, travailler sur les valeurs familiales et sa propre capacité au bonheur, … mais il y a aussi les solutions collectives dont nous sommes friands en Europe.

Les mesures prises par les pouvoirs publics sont évidemment essentielles pour aider les parents, mais aussi pour combattre les inégalités entre les pères et les mères, tant en ce qui concerne les politiques de l’emploi que les politiques d’accueil de la petite enfance et de durée de la journée scolaire, de la fiscalité ou de la protection sociale.

Les suggestions qui sont revenues le plus souvent touchent à la restructuration de l’école en général. Les parents suggèrent un plus grand encadrement scolaire, des études dirigées/encadrées au sein de l’école après les heures de cours et l’organisation des activités sportives et musicales par et dans l’école.

Sans oublier les entreprises … effectivement, seulement 38% des répondants affirment que leur entreprise est consciente de la question de la conciliation et l’intègre dans sa politique de ressources humaines. Pour un autre 38 % des répondants, l’entreprise est consciente de la question mais ne propose aucune solution. Les parents disent d’ailleurs être intéressé à changer d’employer si celui-ci a une politique active de conciliation. C’est vrai principalement pour les femmes mais c’est vrai pour les hommes aussi, en particulier s’ils appartiennent à la génération Y.

Pour Monique Chalude, qui présidait la rencontre d’experts organisée autour de l’étude JUMP-Educadomo, les résultats de l’enquête illustrent la démarche nécessaire d’impliquer tous les acteurs concernés pour ouvrir de nouvelles réflexions, dépasser les conservatismes, mettre en œuvre des projets innovants de conciliation qui tiennent compte des besoins réels des travailleurs, des parents, des enfants et des enseignants, engageant les partenaires sociaux et les pouvoirs publics .

Dès aujourd’hui, les groupes et pages JUMP sur FaceBook et LinkedIN deviennent une plateforme de conseils – carrière pour femmes. Il y aura un ou deux sujets par mois traité par un(e) expert(e) en lien avec le thème de la newsletter JUMP. Ce mois-ci, Els Deboutte animera le thème « rentrée scolaire et conciliation des vies ».  Connectez-vous et participez aux discussions !