Editorials

Pourquoi la parité en politique est cruciale pour une démocratie équitable et efficace

La coalition fédérale Women At Work dénonce le recul inacceptable de la représentation des femmes au sein du gouvernement fédéral : aucune femme au Kern (le cœur du pouvoir), 1 seul ministère régalien (la Justice), et 4 femmes ministres sur 15 soit 26,6% !

« Ce n’est pas élégant, en ces temps, de n’avoir que des hommes dans un kern, mais ça peut arriver. » déclare le Premier ministre.

Il ne s’agit pas « d’élégance » monsieur De Wever, il s’agit d’abord d’une JUSTE représentation de l’autre moitié de la population que vous êtes censé représenté et servir, mais aussi de vous assurer du niveau D’INTELLIGENCE COLLECTIVE de votre équipe.

La recherche démontre que la diversité au sein d’un groupe améliore la qualité de ses décisions. Mais aussi que plus la proportion de femmes est élevée, plus les interactions évoluent vers une meilleure collaboration, renforçant ainsi l’efficacité collective. Une étude du MIT et de l’université Carnegie Mellon, le confirme « Le QI d’un groupe est corrélé à sa proportion de femmes »[1]. En d’autres termes, assurer la qualité des décisions passe par une composition diversifiée et un mode d’échange inclusif.

Par ailleurs, lorsque les femmes sont présentes en nombre égal aux hommes dans les sphères de pouvoir, la prise en compte des besoins et des expériences de l’ensemble de la population est renforcée. Une représentation équilibrée enrichit le débat public, améliore la qualité des décisions politiques et renforce la légitimité des institutions.

Le ministre Mathieu Bihet a qualifié la situation de simple « concours de circonstances ». Justement ! Si l’égalité femmes-hommes n’est pas un réflexe constant chez nos dirigeants, il est nécessaire d’imposer des règles. En 2002, l’article 11bis de la Constitution belge a rendu obligatoire la présence des deux sexes dans les gouvernements. Sur cette base, la Wallonie a adopté en 2019 un décret instaurant un minimum d’un tiers de femmes ou d’hommes dans l’exécutif, suivi par la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2021. Ces dispositions ont permis d’éviter que Georges-Louis Bouchez ne remplace soudainement la Ministre Valérie De Bue pour faire place à Denis Ducarme en 2020 mais aussi de revoir la composition du dernier gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui prévoyait 100% de femmes.

Sans législation contraignante, même une volonté affirmée de parité ne suffit pas toujours. Il suffit de se rappeler du chemin de croix de la présidente de la Commission Européenne pour composer son nouveau collège des commissaires. De nombreux chefs d’Etats ne l’ont pas suivie car ils n’y étaient pas obligés, faisant reculer la proportion de femmes de 44% en 2019 à 40% en 2024.

Comme le rappelle Christine Lagarde « Quand on légifère, on trouve les femmes. Quand on ne légifère pas, on trouve des excuses ».

La Belgique a été pionnière en matière de représentation des femmes. Depuis 1994, des quotas existent pour les listes électorales et, depuis 2011, pour les conseils d’administration des sociétés cotées. En mai dernier, une résolution de la Chambre a été adoptée pour renforcer et étendre cette obligation, avec le soutien de tous les partis démocratiques, sauf la N-VA, qui cherche à supprimer toute exigence de représentation des femmes dans les entreprises privées et la fonction publique.

Les associations de la coalition Women At Work sont conscientes que la parité dans les instances de décision ne garantit pas à elle seule une politique favorable à l’égalité femmes-hommes. Mais elle constitue une condition nécessaire.

Voilà pourquoi nous appelons à l’adoption d’une Loi renforçant l’article 11bis de la Constitution belge qui empêche un gouvernement unisexe. Il est urgent d’inscrire l’obligation de la parité dans la composition du gouvernement fédéral et du Kern, qui en constitue le centre de décision. Ce n’est pas une question « d’élégance », mais un enjeu démocratique et sociétal fondamental, qui conditionne l’efficacité de nos institutions.

Cette évolution s’inscrit dans la logique des lois linguistiques garantissant une représentation équitable de nos communautés et prolonge les efforts menés depuis 30 ans pour assurer la place des femmes dans la décision politique.

La ministre Vanessa Matz s’est déclarée favorable à cette obligation. Nous appelons donc à une Loi « Matz-De Wever » comme l’a appelé Elke Jeurissen dans sa Tribune pour De Standaard.

Les quotas sont une mesure d’équité temporaire visant à corriger un déséquilibre injuste et nuisible pour toute la société. Certes, personne n’aime les quotas, en particulier pas les personnes qui sont censées en bénéficier. Utiliser l’argument de la méritocratie pour les abolir, revient à nier les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes, et à perpétuer un système injuste.

WAW est une coalition fédérale de 11 associations féministes soutenue par l’IEFH et travaillant sur le thème de « l’égalité de genre et indépendance socio-économique ».

Les signataires de cette tribune, membres de la coalition : JUMP, Solutions for Equity at Work ; Pour la Solidarité ; Femmes de Droit ; Vrouwenraad ; Conseil des Femmes Francophones de Belgique ; Cercle Olympe ; Université des Femmes ; Touche Pas à Ma Pote ; Femmes Chefs d’Entreprises.

Les signataires partenaires de la coalition : Le cercle Beabee et Elke Jeurissen, experte en leadership inclusif.

[1] Emile Servan Schreiber « Supercollectif. La nouvelle puissance de nos intelligences » Editions Fayard.