Vous le connaissez, vous, ce stress qui s’empare des parents actifs professionnellement, aux alentours de 16h, lorsqu’ils savent que leurs enfants rentrent de l’école et doivent faire leurs devoirs ? La rentrée sonne le retour du conflit entre la vie scolaire et le rythme professionnel …
Cette course entre les sphères privées et professionnelles est stressante pour tous les parents mais en particulier pour les mamans … c’est en tout cas ce que j’observe autour de moi et que JUMP a pu vérifier dans une enquête réalisée en 2009 avec Educadomo. Cette idée de sondage est née d’une recherche de Catalyst qui démontre que le niveau de stress des parents au travail (surtout des mamans mais aussi des papas) arrive à un pic dès l’heure normale de la fin de l’école, c’est-à-dire quand nos enfants entrent en garderie ou sont livrés à eux-mêmes ou à une nounou en attendant notre retour.
La majorité des parents s’investissent dans le suivi scolaire de leurs enfants mais, l’enquête Educadomo & JUMP le confirme, ce sont encore essentiellement les mères qui prennent avant tout cette responsabilité et qui s’adaptent pour « tout concilier et résoudre ». La moitié des répondants ne sont pas satisfaits de l’équilibre entre leur vie professionnelle et l’accompagnement scolaire de leurs enfants. Les femmes (48%) se sentent davantage débordées que les hommes (32%). Toutes les femmes de notre enquête travaillent. Et pourtant elles sont 60% qui estiment que toute la charge de la gestion scolaire des enfants repose sur leurs épaules ! Elles sont dès lors plus nombreuses à estimer pénaliser leur travail afin de pouvoir aider leurs enfants avec leur travail scolaire à la maison ou leurs activités périscolaires (34% contre 27% des hommes).
« J’ai pris un 4/5 de temps et je sais que cela aura des conséquences sur ma carrière et sur ma pension, mais je n’ai pas le choix » ;
« Je suis devenue indépendante parce que c’était la seule manière de pouvoir m’occuper de mes enfants après l’école. »
JUMP répète souvent que de nombreuses inégalités professionnelles entre hommes et femmes ont leurs sources dans l’inégale répartition des temps sociaux. Ce sont les mères de famille travaillant à temps plein qui prestent la « double journée ». Différentes études ont montré que le temps libéré n’a pas changé la répartition des tâches : le temps hors travail est devenu du « temps libre » pour les hommes, mais « plus de temps pour les tâches ménagères et familiales » chez les femmes. Il y a cependant des signes montrant que le travail domestique est davantage partagé dans les ménages où les deux partenaires gagnent des salaires similaires et ont des carrières de niveau d’importance comparables.
Pendant la période des examens – moment crucial pour les parents – près de 7 parents sur 10 affirment consacrer leurs soirées à aider leur(s) enfant(s) dans leur étude. Une grande majorité (surtout les femmes) modifie d’ailleurs son emploi du temps en fonction des examens de son/ses enfant(s), voir prennent congé.
Les femmes sont 61% à considérer que leur travail empiète sur le suivi scolaire des enfants quand elles travaillent à temps plein mais 65% à être satisfaites de l’équilibre entre ces deux aspects quand elles travaillent à temps partiel. Ceci explique certainement pourquoi une femme sur deux déclare qu’elle voudrait travailler à temps partiel si elle le pouvait, alors que ce n’est le cas que pour 2 hommes sur 10.
L’impossible équation
C’est bien cela qui m’a le plus surpris et même déprimé dans les résultats de l’enquête : les femmes se sentent tiraillées entre leur devoir de mère et celui de professionnelle. Elles considèrent davantage que leurs maris, que les enfants ne sont pas suffisamment autonomes dans leurs devoirs et vivent l’échec scolaire de leurs enfants comme une preuve de plus qu’elles ne sont pas assez présentes à la maison. Pourtant, statistiquement ce sont-elles qui sacrifient davantage leur temps de travail ! Par contre les hommes considèrent que les enfants doivent être responsables de leur scolarité et ne font de sacrifice en temps que si ça ne porte pas préjudice à leur carrière. Pour gagner en sérénité il faut donc d’abord négocier entre parents et travailler sur sa culpabilité !
Je crois que si l’on prenait comme mesure de l’égalité professionnelle, non seulement l’écart salarial mais aussi l’écart de « bien-être » entre hommes et femmes travaillant à temps plein, les résultats seraient alarmants !
Solutions
Il y a des solutions individuelles qui sont citées par Anne-Marie Slaughter dans son article qui a fait le buzz cet été « Why Women still can’t have it all », comme choisir un bon partenaire de vie qui va partager le poids de la famille, gérer sa carrière avec des différences de rythmes et de responsabilité en fonction des périodes de vie, travailler sur les valeurs familiales et sa propre capacité au bonheur, … mais il y a aussi les solutions collectives dont nous sommes friands en Europe.
Les mesures prises par les pouvoirs publics sont évidemment essentielles pour aider les parents, mais aussi pour combattre les inégalités entre les pères et les mères, tant en ce qui concerne les politiques de l’emploi que les politiques d’accueil de la petite enfance et de durée de la journée scolaire, de la fiscalité ou de la protection sociale.
Les suggestions qui sont revenues le plus souvent touchent à la restructuration de l’école en général. Les parents suggèrent un plus grand encadrement scolaire, des études dirigées/encadrées au sein de l’école après les heures de cours et l’organisation des activités sportives et musicales par et dans l’école.
Sans oublier les entreprises … effectivement, seulement 38% des répondants affirment que leur entreprise est consciente de la question de la conciliation et l’intègre dans sa politique de ressources humaines. Pour un autre 38 % des répondants, l’entreprise est consciente de la question mais ne propose aucune solution. Les parents disent d’ailleurs être intéressé à changer d’employer si celui-ci a une politique active de conciliation. C’est vrai principalement pour les femmes mais c’est vrai pour les hommes aussi, en particulier s’ils appartiennent à la génération Y.
Pour Monique Chalude, qui présidait la rencontre d’experts organisée autour de l’étude JUMP-Educadomo, les résultats de l’enquête illustrent la démarche nécessaire d’impliquer tous les acteurs concernés pour ouvrir de nouvelles réflexions, dépasser les conservatismes, mettre en œuvre des projets innovants de conciliation qui tiennent compte des besoins réels des travailleurs, des parents, des enfants et des enseignants, engageant les partenaires sociaux et les pouvoirs publics .
L’égalité entre les filles et les garçons à l’école peut-elle aider la réussite scolaire ?
Depuis les années 60, les politiques publiques d’enseignement veillent à l’égalité et à la cohésion sociale mais elles prennent rarement en compte, du moins dans les faits, le différentiel filles/garçons. L’école est pourtant, sur ce point, moins égalitaire qu’il n’y paraît : toutes les études vont dans le même sens et montrent que les stéréotypes de genre ne sont pas suffisamment décodés et interprétés dans l’enceinte des écoles.
Premier constat : les filles et les garçons ne sont pas répartis de la même façon entres les filières, les options et les formes d’enseignement. Ce constat est aussi celui d’un paradoxe : si les filles réussissent mieux et connaissent moins le redoublement, elles s’orientent néanmoins vers des filières moins valorisées. Ces options sont considérées comme des options de relégation pour les garçons alors qu’on estime qu’elles sont naturelles et vont de soi pour les filles. Dans l’enseignement professionnel : aux garçons l’industrie et la construction ; aux filles les services aux personnes. Dans l’enseignement général, où l’on pense à tort que la question du genre ne se pose pas, les différences sont également très marquées : aux garçons les sciences et maths fortes ; aux filles la littérature, l’histoire et les sciences sociales.
Le choix de son orientation scolaire, qui détermine plus qu’on ne le croit la carrière et la vie professionnelle, intervient à un âge particulièrement sensible où le jeune est en pleine définition de son genre et de sa sexualité. Pour les filles comme pour les garçons, il est difficile de se projeter dans un environnement, qu’il s’agisse d’un milieu scolaire ou social, constitué majoritairement de jeunes de l’autre genre. Et force est de constater que les professionnels, comme les centres PMS, restent mitigés et généralement insensibles à cette dimension : l’école n’est pas consciente qu’elle participe à la reproduction, et parfois même à la création, de stéréotypes de genre. Les professeurs eux-mêmes adoptent, sans s’en rendre compte, une attitude différente : ils interrogent les filles pour rappeler la leçon précédente alors qu’ils se tournent plus volontiers vers les garçons pour une production de savoir. De même, on constate plus volontiers aux garçons la vulgarité et une attitude chahuteuse car on estime que c’est quelque chose de naturel ; alors que chez les filles, c’est un comportement que l’on juge déviant. Les garçons prennent donc plus d’espace et ont plus de liberté. Dans les années 70, on parlait de la règle des deux tiers : les enseignants consacrent aux garçons les deux tiers de leur temps et ceux-ci émettent les deux tiers des propos tenus et des sons émis dans la cour de récréation. La différence du temps d’attention accordé aux filles et aux garçons est moindre de nos jours mais elle reste marquée.
La mixité des écoles est donc loin de garantir l’égalité – et il n’est pas neutre d’être fille ou garçon, comme il n’est pas neutre d’être issu de tel ou tel milieu socio-culturel. On constate que ceux et celles qui réussissent à prendre de la distance avec ces stéréotypes sont aussi ceux et celles qui réussissent le mieux dans les matières où leur genre est généralement plus faible. Une prise en compte du genre pourrait-elle contrer l’échec scolaire ? La question est posée.
que leurs attentes sont moins fortes pour les filles dans les branches scientifiques que pour les garçons : ils évaluent leurs mauvaises copies avec plus d’indulgence mais sont aussi moins généreux quand le travail est bon.
Ce constat est d’autant plus interpellant que les études (notamment les derniers chiffres de PISA) montrent que filles et garçons à 15 ans sont non seulement aussi doués en sciences mais aussi qu’ils sont tout autant attirés par des études supérieures à caractère scientifique. Qu’est-ce qui explique alors une telle disparité dans les faits ? La question de la confiance en soi peut, en partie, expliquer ce phénomène : les filles ont la fâcheuse tendance à se dévaloriser par rapport aux garçons même si leurs résultats prouvent le contraire. Elles attribuent leurs échecs à un manque intrinsèque de capacités, tandis que les garçons n’y voient qu’un simple manque de travail et ne se remettent donc pas en cause pour autant.
Mais la grande responsable est la vie scolaire elle-même qui est structurée de façon contraignante et qui cantonne filles et garçons dans un rôle social prédéfini. On cite en exemple les filles pour leur côté calme et studieux – et elles s’en sentent valorisées – alors que pour les garçons, il vaut mieux être le « petit frimeur » que le « chouchou du prof ». Un stéréotype qui induit une différence évidente de traîtement : on pardonne