Pour réussir notre vie professionnelle, des coachs bien intentionnés nous donnent des conseils et écrivent des livres qui nous disent tous d’arrêter d’être cette « fille sympa » pour enfin devenir une femme qui maîtrise sa vie et arrête de toujours vouloir plaire aux autres (Lois Frankel “Nice girls don’t get the corner offce”, “Nice girls just don’t get it.”).
Dès leur plus jeune âge, on élève les filles dans l’idée que leur bonheur et leur réussite dépendent du respect des stéréotypes : il faut être polie, douce, docile, attentive aux autres. Nos tentatives pour se libérer de cette pression sociale sont tournées en ridicule voire suscitent la désapprobation et le mépris (« Tu as tes règles ? », « Tu es plus belle quand tu souris », « Si tu es agressive comme ça aucun homme ne voudra de toi » …). Résultats : beaucoup de femmes vivent leur vie par procuration car la plupart de leurs choix ont été faits pour plaire à leurs parents, à leur mari ou à leurs enfants. Elles se plaignent d’être transparentes et constamment dévalorisées.
Passer du statut de « fille sympa » à celui d’une femme qui gagne ne signifie pas qu’on obtient forcément ce que l’on veut mais bien qu’on poursuit nos propres objectifs de manière authentique, ciblée, avec intelligence et maturité. En réalité, il s’agit de pouvoir. Ce pouvoir de l’individu sur lui-même qu’on acquiert en exerçant son autonomie. Et c’est bien ici que toute la difficulté réside … pour arriver à un système de domination des hommes sur les femmes (le patriarcat), il a fallu soumettre les femmes en éliminant leur estime d’elles-mêmes. Eve Ensler (auteure des « Monologues du vagin ») déclare que la puissance des femmes devait être si terrifiante que tout a été fait pour la tourner en dérision : instabilité, fragilité, passivité, inconsistance, … En faisant cela, on a déraciné les femmes de leur force intérieure et on a amputé les hommes de leur part féminine, créant des guerriers, des hommes arrogants, violents, avides de pouvoir. Quelle torture et quel massacre pour les femmes, mais pour les hommes aussi!
Après le succès des « Monologues du vagin », Eve Ensler a parcouru le monde et, en particulier, la République Démocratique du Congo. Ce qu’elle a vu là-bas l’a transformée à jamais. C’est un des endroits du monde où les effets désastreux du patriarcat sont encore bien vivants. Ce qui s’y passe est l’enfer sur terre. Avez-vous, par exemple, déjà entendu parler de fistule ? Une fistule obstétricale est une brèche de la filière pelvi-génitale due à une absence de soins à l’accouchement ou à des viols. C’est-à-dire qu’il n’y a plus qu’un trou béant entre la vulve et l’anus. Ces femmes souffrent d’une incontinence permanente (urines et selles), en ressentent de la honte et font l’objet d’une discrimination sociale. On estime qu’en Asie et en Afrique subsaharienne, plus de 2 millions de femmes vivent avec des fistules obstétricales non traitées. Dans le monde, une femme sur trois soit un milliard de femmes seront violées au cours de leur vie ou agressées physiquement. Eve Ensler en tire le constat que c’est la féminité qu’on veut tuer ou soumettre. Son dernier livre « Emotional creature » et sa performance aux conférences TED défendent la cause du retour de la puissance féminine en chacun de nous (hommes et femmes). Les émotions, l’empathie, la vulnérabilité, l’intuition nous permettent d’entrer véritablement en relation avec les autres et de trouver des solutions pour mieux vivre ensemble et davantage respecter la terre. C’est ce que les livres de management appellent « l’intelligence émotionnelle », la seule capable de nous emmener vers des modèles de gestion innovants, inclusifs et solidaires. Il ne s’agit donc plus d’être une « fille sympa » coupée de ses propres envies et talents mais d’être une vraie fille puissante, courageuse et volontaire, profondément ouverte aux autres dans l’empathie et la compassion. C’est cette énergie là qu’ Eve Ensler appelle de tous ses vœux pour sauver le monde : “I want girl energy to spread around the world. That girl cell must be powerful if we’re all told to ignore it, to suppress it, to change it. But if we tap into that part of ourselves, the more loving, the more resisting, the more compassionate, the more heart-opening part, we have the capacity to create compassionate revolution. We can be fierce and loving at the same time. We need to be.”
Mais Eve Ensler ne se contente pas de mots … elle passe à l’action en voulant transformer cette tragédie que vivent un milliard de femmes, en soulèvement festif d’un autre milliard de femmes sous la forme d’une danse pleine de joie et d’énergie. L’action « one billion rising » http://onebillionrising.org/ se déroulera le 14 février partout dans le monde. Regardez cette vidéo incroyable et participez à la préparation de cet événement. Pour une fois, le jour de la Saint-Valentin, nous déclarerons notre amour aux femmes pour qu’elles se sentent fortes et capables de prendre leur destin en main. Une danse peut faire passer une telle énergie qu’elle peut soigner l’âme d’une personne meurtrie. En démontrant notre compassion à toutes les femmes qui souffrent, c’est à nous-mêmes que nous ferons du bien en gagnant en respect et en estime de soi.
Participez au Day of the Girl Summit le 11 Octobre.