Editorials

- Isabella Lenarduzzi

Où en sont les femmes ?

Les femmes n’ont jamais été aussi égales aux hommes depuis des millénaires mais c’est vrai seulement pour le monde occidental.

Notre histoire …

Pour faire court, avant le XX ième siècle les femmes n’avaient aucun droit car elles étaient considérées comme des êtres inférieurs ne pouvant décider pour elles-mêmes.
Par exemple ce n’est qu’en 19 42 que les femmes mariées peuvent travailler mais à condition de ne pas créer un licenciement pour autrui ! ET c’est dans les années 60 qu’elles peuvent travailler sans l’autorisation de leur mari.
En 1972 apparaît la notion de « A travail égal,  salaire égal » et en 1975 les discriminations deviennent enfin interdites dans les lois !

Mais c’est la construction de l’Europe qui va donner un vrai coup d’élan à l’égalité depuis le traité de Rome en 59 et surtout depuis les années 2000 avec l’implémentation nationales des directives européennes qui visent à lutter contre les inégalités au travail et en politique en faisant reculer les stéréotypes pour faire place aux compétences quel que soit le sexe de la personne.

L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail est la première cause de la croissance économique de ces 50 dernières années ! Plus que la diffusion des nouvelles technologies ou le développement des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine).

En Europe, 4 millions des 6 millions d’emplois créés ces dix dernières années ont été occupés par des femmes.

Les femmes représentent désormais 60% des diplômés universitaires et l’écart avec les hommes ne cessent de grandir.

Près de 80% des décisions d’achat sont prises par les femmes.

Pour autant les défis qui nous restent à surmonter sont encore énormes…
Les filles choisissent des métiers et des formations peu rémunératrices : il y a moins de 7% de filles dans les auditoires d’informatique et 12% en ingénieur.
Malgré les quotas votés en 2011, elles sont 12% dans les Conseils d’administration des sociétés cotées en bourse et moins de 10% dans les comités de direction.

Quand les femmes parviennent à atteindre des postes de haut niveau, elles se retrouvent souvent dans des filières ou des services considérés comme moins centraux, moins stratégiques pour l’organisation (RH, administration, communication, etc.). Il leur devient très difficile d’accéder aux départements stratégiques (développement produits, production, vente, finances…) et d’obtenir la visibilité nécessaire pour être appelées aux postes de direction.

49% des femmes travaillent à temps partiel contre seulement 13% des hommes.

Les femmes en Belgique gagnent 10% de moins que les hommes par heure et à travail égal. Sur base annuelle on arrive à 23%. La différence de salaire augmente avec l’expérience et la qualification pour arriver à 34% au niveau du senior management dans le secteur privé !
L’écart se creuse avec les avantages extra légaux …

Pourquoi ?
– L’entreprise a été conçue depuis des siècles par des hommes pour d’autres hommes sans soucis domestiques. C’est donc toute la culture des entreprises et les modèles de leadership qui sont profondément masculins.
– 80% du travail non rémunéré est réalisé par les femmes.

  • 80% des personnes qui le prennent le congé parental sont des femmes et seulement
  • 20% sont des hommes pour des périodes beaucoup plus courtes. Ce sont majoritairement des fonctionnaires.

Quelques considérations :
Plus les hommes ont des postes à responsabilité et plus ils ont d’enfants. C’est exactement l’inverse pour les femmes.

Plus le salaire des femmes est élevé et plus leurs maris consacrent du temps aux tâches ménagères et à la famille (le pouvoir et la confiance de négocier à la maison viennent avec la réussite, la reconnaissance et le salaire gagnés au travail).

Les femmes se sont déjà beaucoup adaptées au monde de l’entreprise. Ce sont désormais les entreprises qui doivent changer leur culture pour qu’elle soit plus « mixte ».
Dans les pays où il est possible et bien considéré de travailler à temps plein tout en ayant des enfants en bas-âge, les femmes font plus d’enfants et travaillent plus (France, Belgique, Scandinavie contre Espagne, Italie, Allemagne ou Japon).

Les solutions:

  • Remplacer le concept de maternité par celui de parentalité
  • Les responsabilités professionnelles et familiales doivent être totalement partagées
  • Les Femmes ne peuvent conquérir leur totale autonomie sans une évolution des hommes et en particulier de l’homme de leur vie.

Hommes et Femmes nous sortons enfin de modèles définis pour tendre à devenir nous-mêmes c’est-à-dire unique ! Le patriarcat qui sépare les hommes des femmes et les femmes des autres femmes avec qui elles se sentent en compétition pour attirer l’attention des hommes, dans nos pays se délaie progressivement. Nous sommes en route vers un nouvel équilibre collectif et individuel de notre masculin/féminin.

Dès aujourd’hui, ercez-vous à vous déclarer féministe !

De nos jours il ne fait pas bon se déclarer féministe … ce mot est automatiquement associé à du militantisme anti homme, à de l’agressivité et à l’image de femmes refusant tout attrait féminin. « Je ne suis pas féministe, je suis féminine ». Mais ça n’a rien à voir !! Féministe est une position pour l’égalité des sexes, féminine est une allure.

J’ai sincèrement du mal à comprendre pourquoi le combat de milliers de femmes depuis des siècles pour pouvoir exister librement et indépendamment des hommes dans une société qui les traitait comme des êtres inférieurs et qui nous permet aujourd’hui de faire tous les choix possibles , soit aussi mal considéré autant par les hommes que par les femmes. S’il est vrai, que comme tout mouvement revendicatif, le féminisme connaît ses débordements, nous ne pouvons pas continuer à construire un monde où hommes et femmes sont totalement libres de devenir qui ils veulent, si nous les femmes, ne sommes pas profondément reconnaissantes aux féministes. Le maintien de nos droits acquis et le renforcement de la confiance en nous nécessaire pour exercer ces droits, passe par la connaissance de notre histoire et la reconnaissance de nos libératrices (et libérateurs). Des milliers de femmes dans l’histoire ont construit la route … à nous de l’asphalter pour la rendre accessible à toutes.

Il est aussi essentiel de communiquer ce message à nos filles … toutes les enquêtes démontrent que les jeunes filles recommencent à rêver de plus belle au prince charmant et à la famille idéale pour faire leur bonheur. Le travail et leur autonomie financière ne passe qu’au troisième plan. Elles se raréfient aussi dans les formations scientifiques et dans les métiers « masculins » pour renforcer les rangs déjà quasi exclusivement féminins des métiers de services et de soins. Etre féministe c’est vouloir donner encore plus de possibilités à nos filles que celles dont nous bénéficions ou tout au moins de les préserver. Notre génération et la précédente, qui avons tant assumé pour acquérir une certaine autonomie, n’avons probablement pas rendu nos filles conscientes que c’est essentiel pour être libre et réussir sa vie et son couple.

Il faut accepter que le modèle de pouvoir en place s’est construit au masculin mais qu’il génère souvent des sacrifices pour les hommes qui s’y soumettent (culte de la performance, détachement de la vie familiale, cuirasse émotionnelle, …). Ce modèle a tout intérêt à être remis en cause, d’une part par les femmes qui pendant des siècles ont payé le prix fort, mais aussi par les hommes qui aspirent à s’échapper du carcan dans lequel ils sont enfermés.

La question de l’égalité est une formidable opportunité pour interroger les modes de fonctionnement de nos entreprises et de la société toute entière, et en mesurer les coûts pour la collectivité, pour les femmes, mais aussi pour les hommes.

La présence récente mais massive des femmes dans les entreprises et l’avènement des valeurs dites féminines portées par les hommes comme par les femmes, pourraient dessiner un nouveau modèle de civilisation plus inclusif, responsable et durable.

Féminisme = égalité = respect de tout être humain = liberté de choix – tous les choix. Rien d’autre. Alors si nous voulons continuer sur la route de l’épanouissement personnel des femmes et des hommes, nous devons nous déclarer féministes. Sans rien ajouter d’autre.

La guerre des sexes se termine.
Même s’il est dit que les Hommes viennent de Mars et les Femmes de Vénus, nous n’avons jamais été aussi proches.

Isabella Lenarduzzi
JUMP « Empowering Women, Advancing the Economy »