J’ai eu le plaisir de témoigner à l’événement organisé par L’Oréal pour les 40 ans du slogan « Parce ce que je le vaux bien ». Je ne suis pas certaine qu’au début, L’Oréal ait perçu correctement l’impact de ce message. Ils l’ont probablement considéré idéal pour amener les femmes à acheter un produit plus cher que les autres. Mais la jeune publicitaire qui l’a proposé avait déjà bien compris : les femmes manquent de confiance en elles. A l’occasion de cet anniversaire j’ai raconté que moi aussi j’avais mis des années avant de comprendre que nos obstacles les plus importants se trouvaient à l’intérieur de nous-mêmes. C’est d’ailleurs après avoir vécu quelques années où je me suis vraiment manquée de respect, que j’ai décidé de créer JUMP.
On croit toujours que les femmes parfaites n’ont aucune raison de ne pas s’aimer. Et pourtant … Il y a 5 ans, j’ai eu le grand plaisir d’entendre Jane Fonda parler de sa vie et d’ensuite la rencontrer. Elle a commencé son livre « My life so far » juste avant d’atteindre ses 60 ans et a mis près de 5 ans pour l’écrire. Elle a maintenant 74 ans et déclare que ce livre lui a appris à s’aimer pour qui elle est totalement et à se respecter enfin « For the first time, I owned who I was ». C’est alors qu’elle a choisit de quitter son troisième mari Ted Turner car il n’était pas capable de l’aimer pour qui elle est vraiment et donc de partager une vraie et profonde intimité. Elle s’est rendue compte que jusque là elle avait été victime de l’image qu’elle voulait donner d’elle-même pour se faire aimer. Cela la amené à accepter des tas de choses … des pratiques sexuelles, des choix de films, des amis, jusqu’à la nécessité de cacher l’écriture de son livre à son dernier mari.
Jane Fonda parle magnifiquement bien du terrorisme de la perfection et de toutes ses conséquences de violence que les femmes s’infligent jusqu’à en être malades. Si une femme aussi belle, célèbre et riche que Jane Fonda est également victime de cette recherche effrénée d’approbation et d’affection, qu’en est-t-il de toutes les autres qui sont moins bien nées ? Son histoire nous fait prendre conscience que notre vraie liberté est tapie au fond de nous et que nous ne devons pas attendre plus longtemps pour pouvoir vivre pleinement qui nous sommes !
C’est en vivant en Italie du sud, une partie du monde encore très machiste, que j’ai compris l’origine de ce désamour qu’ont les femmes pour elles-mêmes. J’ai vu qu’une femme n’était rien sans être la mère, l’épouse ou la fille d’un homme. Elles se déchiraient d’ailleurs entre elles pour obtenir un statut en mettant le grappin sur un homme « qui compte ». J’ai compris que pour nous dominer de la sorte, au début du patriarcat, les hommes avaient dû éliminer toute la confiance en soi des femmes. Cela a duré des millénaires. Nous sommes en train de réapprendre à nous aimer et à nous respecter mais c’est un long chemin. Nous devrions être toutes conscientes de ce qui se joue en nous et être fières à chaque fois que nous nous autorisons à faire des choix qui nous conviennent plutôt que ceux qui sont attendus par les autres.
En ce qui me concerne, c’est par les autres femmes que j’ai regagné en confiance. C’est grâce à celles qui avaient fait plus de chemin vers l’amour d’elles-mêmes et vers la célébration de leur féminité, que je me suis construite en tant que femme. C’est un cadeau que l’on se transmet de femme à femme. C’est ce que fait Jane Fonda depuis l’écriture de son livre. C’est ce que JUMP tente de faire aussi. Comprenez-moi bien : ce n’est pas contre les hommes que les femmes se reconstruisent. Ça se passe surtout entre femmes pour que chacune devienne plus libre et plus forte pour être plus aimante et solidaire.
Depuis des millénaires les femmes n’ont jamais eu autant cette possibilité de s’aimer pour ce qu’elles sont vraiment. Alors maintenant c’est à chacune d’entre nous de donner le meilleur de soi pour transformer le monde.
Femme ou mère ?
« L’égalité des sexes se joue dans le rôle que l’on donne à la maternité » voilà ce qu’Elisabeth Badinter disait lors de la sortie de son dernier livre « Le conflit » il y a déjà trois ans. Badinter y va fort en affirmant que les machistes ont réussi à maintenir la domination des femmes en leur inculquant la toute-puissance de la culpabilité liée à la maternité. Elle parle de « servitude volontaire » remplaçant la place de l’homme comme dominant dans la famille par celle de l’enfant.
Il est vrai que c’est surtout sur les mères que s’exerce la dictature de la perfection soi-disant nécessaire pour donner toutes les chances à notre enfant. Cela commence dès l’annonce de la grossesse … plus question de fumer, de boire, de « trop » travailler, … car c’est la santé de l’enfant qui en dépend. Ensuite il faut accoucher « naturellement » pour ne pas perturber le nouveau-né, puis l’allaiter le plus longtemps possible, lui concocter des petits plats bio, le nourrir à la demande, être attentive à ses besoins (ses désirs aussi ?), l’éveiller, le sociabiliser, l’accompagner dans son développement intellectuel, physique et émotionnel … bref s’oublier comme individus mais aussi comme couple. Je trouve cette réflexion peut-être trop forte et dénuée de nuance mais extrêmement inspirante (comme toujours avec Elisabeth Badinter dont les positions nous obligent à nous remettre en question).
Est-ce que notre identité de femme passe par le statut de mère ? On serait tenté de l’affirmer au vu des réactions négatives que doivent subir celles qui décident de ne pas enfanter ou de la compassion accordée à celles qui ne le peuvent pas ! Depuis qu’on peut la choisir, la maternité apparaît comme le St Graal. L’étape ultime et nécessaire pour se réaliser. Le chef d’œuvre de toute une vie. Mais si on y regarde de plus près on constate que c’est dans les pays où la maternité a le plus de valeur et de contraintes qu’il y a aussi les taux de natalité les plus bas. Si l’on prend l’exemple de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon, 3 pays où l’on met les mères sur un piédestal, où les services de l’Etat à la petit enfance sont quasi inexistants car la société considère que c’est un devoir maternel, où les rôles parentaux sont complétement déséquilibrés, et où pour être une bonne mère il faut exercer cette fonction à plein temps, … on constate que les femmes se consacrent d’abord à leur éducation, ensuite à leur carrière, et seulement le plus tard possible à la maternité. En général elles ne feront d’ailleurs qu’un seul enfant. Ces sociétés se retrouvent donc avec un taux d’activité des femmes très bas puisqu’elles quittent leur emploi ou diminuent fortement le nombre d’heures prestées mais aussi un très faible taux de natalité. Comme si les femmes disaient « puisque devenir mère me demande tellement de sacrifice et d’abnégation, je ne ferai qu’un seul enfant et je ne ferai que ça ! ».
La mère sacrificielle et l’enfant-roi qui va de pair, est néfaste autant pour l’épanouissement personnel, le bonheur du couple, que pour l’économie et le bien-être collectif. La maternité est une partie de notre identité si on la choisit. Elle n’en n’est pas le socle. L’infertilité n’est pas l’échec de la féminité. Il est tout à fait possible de se réaliser sans être mère. Je dirais même qu’il est souhaitable que chaque femme s’épanouisse sentimentalement, socialement et professionnellement pour qu’elle puisse donner le meilleur d’elle-même en tant que mère. Les remèdes ? D’abord rééquilibrer les rôles parentaux pour donner une importance équivalente au père et à la mère. Il faut arrêter d’attendre que ce soit la mère qui assume les ¾ du travail parental. Il faut sortir des stéréotypes pour responsabiliser les pères et libérer les mères. Ensuite il faut sortir du culte de la perfection maternelle. Nous sommes de bonnes mères parce que nous sommes imparfaites … pas bonne cuisinière ou pas « assez » présente ou trop « stressée » ou quoi que ce soit de trop ou de pas assez par rapport à tout ce qui est demandé par les pédopsychiatres et la plupart des médias féminins. En acceptant notre imperfection c’est un merveilleux cadeau que l’on fait à nos enfants … on tend à les accepter comme ils sont aussi !
Isabella Lenarduzzi,
Fondatrice et directrice de JUMP « Empowering Women Advancing the Economy »