Il y a quelques mois j’ai participé à une conférence de Guberna (l’Institut des Administrateurs en Belgique) sur le thème des quotas de genre dans les Conseils d’Administration. J’y ai entendu des déclarations absurdes intellectuellement voire même humiliantes pour les femmes faites par les professeurs De Vos et De Wulf de l’université de Gand « les présidents des CA sont tout au mieux satisfaits sur un point de l’arrivée des femmes c’est qu’elles sont plus disciplinées que les hommes et donc qu’elles sont davantage présentes (sic) » ou encore « les quotas sont illégaux car ils introduisent une discrimination sans avoir prouvé leur justification et leur nécessité (re sic) ».
Il aurait suffi que ces deux éminents professeurs se documentent sur les effets de la loi des quotas en France pour s’apercevoir qu’en seulement un an, les nombre de femmes dans les CA du CAC 40 a augmenté de 10 à 30% alors que pour la Grande Bretagne qui a refusé les quotas mais a adopté une recommandation de Lord Davies, en 2 ans, les femmes sont passées de 12 à 20% dans les CA du FTSE c’est-à-dire bien en dessous de l’effort nécessaire pour que la recommandation soit un tant soit peu respectée.
Mais il n’y avait pas que ces deux hommes qui m’ont gâché la soirée … alors que je partageais mon opinion avec une amie, une femme avocate s’est avancée vers nous en nous disant qu’elle ne comprenait pas pourquoi nous étions si choquées car s’il y avait un problème de sous-représentation des femmes c’était de leur propre faute! Pour aller à l’encontre de ce type de préjugé, il est essentiel de lire la dernière étude de Catalyst « The myth of the ideal worker ».
Plus de 3000 femmes et hommes ayant suivi un MBA au cours de la même période ont été questionnés. Les résultats sont sidérants :
- Ces femmes sont aussi ambitieuses que les hommes de leur groupe
- Elles se positionnent autant que les hommes pour des postes à responsabilité et utilisent les éléments qui sont repris dans tous les Best Sellers de management (networking, négociation, self marketing, maîtrise des « unwritten rules » …)
Voilà déjà qui est extrêmement intéressant et qui balaye bien des préjugés même s’il est vrai que l’analyse a été faite sur une petite catégorie de femmes : celles qui ont récemment fait un MBA. Mais c’est la différence de résultats obtenus entre femmes et hommes qui utilisent pourtant les mêmes stratégies qui sont étonnants. En effet, ce rapport indique que même lorsque les femmes restent dans le cadre d’une carrière traditionnelle et font tout ce qu’il convient habituellement de faire pour se positionner, il sera peu probable qu’elles évoluent aussi loin et gagnent autant que leurs pairs masculins.
L’étude montre que :
– Les hommes dépassent les femmes dans la progression de carrière et dans les revenus
– Les femmes semblent être payées pour leur performance démontrées – les femmes qui ont changé d’entreprises au moins deux fois gagnent $53.472 de moins que celles qui sont restées avec leur premier employeur
– En revanche, les hommes semblent être payés pour leur potentiel de performance – les hommes qui ont changé de job après leur MBA gagné $13.743 de plus que ceux qui sont restés fidèles à leur premier employeur
– les hommes ont davantage de possibilité d’atteindre des professions tels que CEO ou cadre supérieur : 21% des hommes évoluent dans cette direction comparée à 11% des femmes.
Les mêmes stratégies ne fonctionnent donc pas de façon égale pour les hommes et les femmes. Les femmes doivent adopter des stratégies différentes de leurs collègues masculins pour avancer dans leurs carrières. Quand les femmes sont proactives en faisant connaître leurs réalisations, elles ont progressé dans la hiérarchie et augmenté leur salaire. Elles avancent également quand elles se mettent en réseau avec d’autres personnes influentes. Par contre pour les hommes, faire connaître leurs réalisations n’avait pas eu d’impact sur leur carrière. En revanche, l’accès à des réseaux influents aide également les hommes à évoluer. Quand ceux-ci démontrent leur volonté de travailler de longues heures et font savoir qu’ils sont disponibles pour de nouvelles opportunités provenant d’autres employeurs cela les a considérablement aidé à augmenter leurs salaires.
Les hommes sont récompensés pour leur potentiel tandis que les femmes sont récompensées pour leurs performances prouvées!
Catalyst suggère que les chefs d’entreprise se demandent les choses suivantes : Dans quelle mesure nos employés évoluent et sont récompensés sur base de stratégie de carrière par rapport à leurs des qualifications et leur performance ? Comment les gens sont-ils coachés pour progresser ? Est-ce que l’ hypothèse est faite que les stratégies de carrières qui fonctionnent pour les hommes fonctionnent aussi pour les femmes ? Et quand les femmes et les hommes appliquent les mêmes stratégies de carrière, sont-ils considérés et évalués différemment ?
“ Cette étude détruit le mythe que « les femmes ne demandent pas et ne se positionnent pas. En fait, elles le font ! ». Mais cela ne les amène pas très loin. Les hommes, en revanche, ne doivent pas demander. Quel est donc le problème? Tout comme une personne doit gérer sa carrière le plus efficacement possible, les entreprises doivent apprendre comment attirer, développer, et maintenir les femmes talentueuses ou risquer de les perdre au profit de leurs concurrents. » dit Ilene H. Lang, Présidente et CEO de Catalyst.
Arrêtons donc de dire trop rapidement que c’est de la faute des femmes si elles ne sont pas satisfaites de leur carrière. C’est un préjugé simpliste qui n’aide pas les femmes à se valoriser et qui aveugle les entreprises quant à la compréhension du phénomène du départ des femmes à haut potentiel entre 35 et 45 ans !
Traitez-nous différemment mais de façon égale !
95% des femmes à haut potentiel sont persuadées qu’elles ne sont pas reconnues de manière égale aux hommes dans leur entreprise, comparativement à 67% en 2005
Un gros salaire, une voiture puissante, jouer le jeu social et politique en entreprise ? Cela n’intéresse pas les femmes, selon les résultats de l’enquête ‘Women Leaders Speak Out 2012’. Elles sont plus de 400 à des postes de management à y avoir participé dans le cadre du 6e Forum JUMP, l’événement centré la vie professionnelle des femmes ainsi que sur la gestion de leur carrière. Depuis la dernière enquête réalisée en 2005, elles demandent un environnement professionnel qui reconnaisse davantage leurs compétences ; des talents qu’elles considèrent complémentaires par rapport à ceux des hommes mais qui sont souvent reconnus comme subalternes par les entreprises.
L’enquête montre que ces femmes cadres sont demandeuses de modes de management plus respectueux de la diversité de genres. Contrairement au mythe persistant qui veut nous faire croire qu’elles ne quittent un emploi que pour raisons familiales ou à cause d’un manque d’ambition, les femmes interrogées confient quitter avant tout une culture d’entreprise qui ne les valorise pas.
Les résultats saillants de l’enquête :
- 95% de femmes estiment qu’elles ne sont pas promues à égalité avec les hommes (67% en 2005);
- 75% pensent, comme en 2005, que des compétences comme la communication et les relations entre collègues sont sous-évaluées;
- 74% estime que trop peu de temps et d’argent sont investis dans la formation pour une meilleure coopération entre femmes et hommes (82% en 2005);
- 85%, comme en 2005, ont besoin de véritables ‘role models’ féminins qui font le choix d’une vie familiale et professionnelle et qui n’essaient pas de devenir « un homme comme les autres ».
Cette insatisfaction grandissante correspond à une meilleure prise de conscience de la part des femmes : en assumant de plus en plus de responsabilités, elles souhaitent aussi rester authentiques même au top de leur entreprise. Elles savent que leurs compétences propres sont porteuses de progrès et de développement et qu’elles peuvent le revendiquer.
« Nous ne souhaitons plus escamoter notre féminité et nos valeurs, ou les adapter au style de leadership dominant pour progresser dans nos carrières. »