Le 3 décembre, JUMP, a décerné pour la quatrième fois son Wo.Men@Work Award. Ce prix couronne un(e) chef d’entreprise comme ambassadeur de l’égalité professionnelle.
La méritocratie ne peut être atteinte sans un profond changement de culture et de pratiques au sein de chaque entreprise. Le changement demande de la passion et de l’engagement. C’est l’attitude des dirigeants qui inspirera celle de reste du management et garantira la réalisation des objectifs. C’est la raison pour laquelle JUMP a créé le Wo.Men@Work Award afin de célébrer les dirigeants qui s’investissent et de choisir le meilleur d’entre eux pour devenir l’ambassadeur de l’égalité professionnelle auprès de ses pairs.
Cette année, huit chefs d’entreprise ont posé leur candidature pour le prix : 4 femmes et 4 hommes. Après délibération du jury, voici les trois nominés pour la 4e édition du Wo.Men@Work Award:
Janneke van der Kamp, CEO Novartis Belgium & Luxembourg
Laurence Einsweiler, Legal Affairs Director Pfizer
Michel Croisé, CEO Sodexo Belgium
Les femmes sont le vecteur le plus important de la croissance économique
L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail est la première cause de la croissance économique de ces 50 dernières années ! Plus que la diffusion des nouvelles technologies ou le développement des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine).
En Europe, 4 millions des 6 millions d’emplois créés ces dix dernières années ont été occupés par des femmes.
Les femmes représentent désormais 60% des diplômés universitaires et l’écart avec les hommes ne cessent de grandir.
Près de 80% des décisions d’achat sont prises par les femmes.
La variable la plus importante pour la compétitivité d’un pays est l’utilisation de son capital humain. Si les femmes participaient à l’économie de la même façon que les hommes, le PIB de l’Union Européenne augmenterait de 14% !
Les femmes représentent le plus grand réservoir de talents. Si elles ne parviennent pas à occuper toutes les fonctions dans tous les métiers dans la même proportion que les hommes, il s’agit d’une mauvaise utilisation des talents et donc d’un mauvais retour sur investissement. L’égalité en matière d’emploi n’est pas uniquement une question d’équité mais également d’efficacité et de performance. C’est vrai au niveau macroéconomique comme c’est vrai au sein de chaque entreprise.
Où en est la Belgique en matière d’égalité professionnelle ?
Il y a de plus en plus d’index qui indiquent la position de notre pays. N’en retenons que deux …
Le Gender Equality Index de la Commission Européenne et le Global Gender Gap du World Economic Forum (WEF). Tous les deux indiquent que notre pays fait globalement mieux que nos partenaires européens : nous sommes 11ième au monde selon le classement des organisateurs du Forum de Davos (le WEF) après les pays nordiques, la Suisse et l’Irlande mais avant les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et tous les pays de l’Est et du sud de l’Europe. L’agence européenne de l’égalité a analysé 6 paramètres (argent, travail, pouvoir, santé, savoirs et temps). Nous faisons mieux que la moyenne européenne pour chaque dimension même si c’est de peu. Les deux aspects les plus inégalitaires sont le partage du pouvoir (politique) et l’égalité dans le temps disponible pour nos loisirs et développement personnel. Normal, quand on sait que 80% du travail non rémunéré est effectué par les femmes. En Belgique une femme passera 1h20 en moyenne par jour aux travaux ménagers pour 26 min pour un homme. La répartition n’évolue pas depuis 20 ans si on ne tient pas compte du temps dédié aux enfants.
L’aspect où nous sommes les meilleurs est celui de la place des femmes en politique. Nous sommes 14ième (Global Gender Gap). Cela n’a rien d’étonnant car depuis près de 20 ans les quotas existent en politique.
Le bât blesse au niveau du partage du pouvoir économique…
Le World Economic Forum nous classe 34ième au monde pour la dimension de la participation des femmes à l’économie et leur opportunité d’y utiliser tous leurs talents. On y intègre donc le nombre de femmes aux postes de décision et dans tous les métiers (ségrégation verticale et horizontale du marché du travail). A chaque publication de son Global Gender Gap, le World Economic Forum rappelle le lien indiscutable entre l’égalité des genres et le niveau de développement et de compétitivité d’un pays. Ils résument l’égalité à 3 dimensions :
- les mêmes droits
- les mêmes responsabilités
- les mêmes opportunités.
Au-delà de l’augmentation du PIB par une plus grande participation des femmes à l’économie, l’autre élément que l’on ne répète jamais assez c’est le lien entre emploi et natalité. Quand la société accepte le partage de la gestion familiale entre les pères et les mères et que l’état offre des solutions adaptées à la garde des enfants dès leur plus jeune âge, non seulement les femmes travaillent davantage et font de plus belles carrières mais elles font aussi plus d’enfants ! En France et dans les pays nordiques (la Belgique y est presque), plus une femme travaille et plus elle aura d’enfants. Pour s’en convaincre il suffit de comparer ces pays avec les exemples contraires : l’Italie, l’Espagne, le Japon et même l’Allemagne où les taux de fertilité par femme sont dramatiquement bas.
Pour autant les défis qui nous restent à surmonter sont encore énormes…
Le dernier rapport « Femmes au sommet » de l’Institut pour l’égalité entre les Femmes et les Hommes, nous apprend que dans le secteur privé, les femmes sont 45% des salariés mais 30% des managers. A chaque niveau hiérarchique de l’entreprise, on rencontre moins de femmes qu’au niveau immédiatement inférieur. C’est ce que l’on appelle le « tuyau percé ».
Résultat de cette course à l’élimination : une présence féminine très réduite dans les positions les plus élevées. Malgré les quotas votés en 2011 (30% en 2018), elles sont 12% dans les Conseils d’administration des sociétés cotées en bourse et moins de 10% dans les comités de direction. 61% des entreprises cotées en bourse n’ont aucune femme dans leur CA. 27% en ont une seule. 11% en ont 2 ou plus.
Quand les femmes parviennent à atteindre des postes de haut niveau, elles se retrouvent souvent dans des filières ou des services considérés comme moins centraux, moins stratégiques pour l’organisation (RH, administration, communication, etc.). Il leur devient très difficile d’accéder aux départements stratégiques (développement produits, production, vente, finances…) et d’obtenir la visibilité nécessaire pour être appelées aux postes de direction.
Le nombre de femmes dans les comités de direction est le résultat direct de leur positionnement au sein de l’entreprise concernée. Ce n’est pas le cas pour les Conseils d’ Administration. Avoir une place au comité de direction c’est avoir réussi à graver tous les échelons dans sa carrière. Donc avoir plus de femmes à ce niveau-là c’est profiter des fruits d’une stratégie gagnante en matière d’égalité professionnelle mais c’est aussi le meilleur réservoir qui soit pour alimenter en femmes les CA d’autres entreprises ! Au sein du BEL20 (indice de la bourse de Bruxelles), la moitié des entreprises n’a aucune femme dans son comité exécutif …
Que faire contre cette inégalité professionnelle qui révèle le mythe de la méritocratie en œuvre dans nos entreprises ?
Pour garantir plus de méritocratie en entreprise, il faut adopter un plan d’action complexe et ambitieux. McKinsey détermine 41 mesures minimum à prendre classées en 3 catégories : engagement de la direction, programme de développement professionnel pour femmes et indicateurs de la diversité. L’enquête « Women matter » pour la Belgique révèle que seulement 22% des entreprises sondées ont mis en place plus de 20 initiatives (sur les 41 recommandées) alors que la moyenne pour l’Europe est de 47%. Pire encore, seulement 13% des entreprises ont pris 50% des mesures identifiées contre une moyenne de 40% en Europe !*
La Ministre de l’égalité en France, Najat Vallaud-Belkacem, a décidé pour la première fois en Europe de pénaliser les entreprises qui ne respectent pas les lois sur l’égalité professionnelle. Elle a envoyé un moratoire a 400 sociétés et en a pénalisé financièrement 4. En Belgique, il serait utile de connaître les entreprises qui font régulièrement l’objet de plaintes de discrimination auprès de l’Institut pour l’égalité et qui ne coopèrent pas pour éliminer ces inégalités.
Des lois sans punitions ne servent à rien. Mais il est aussi essentiel de valoriser les entreprises qui s’engagent et mettent en œuvre un plan d’égalité sérieux. C’est ce que la ministre française a fait en créant un classement des entreprises les plus méritantes. En attendant que cela se fasse en Belgique, JUMP a créé la seule récompense au monde qui célèbre un(e) dirigeant(e) d’entreprise qui s’engage personnellement pour plus de mixité de ses équipes.
Isabella Lenarduzzi
Fondatrice et directrice de JUMP « Empowering Women, Advancing the Economy »
A propos de JUMP :
JUMP offre aux femmes des outils pratiques pour les accompagner dans la réalisation de leurs projets professionnels et leurs aspirations personnelles, et soutient les organisations et entreprises qui veulent promouvoir plus de mixité parmi leurs dirigeants.